mardi 9 juin 2015

Rêveries autour de l'Oudon

Cette petite rivière longue d’une centaine de kilomètres termine sa course peu après La Coudère, là où, après être passée sous le vieux pont métallique du Bec d’Oudon, elle se jette dans la Mayenne.
L’Oudon a rythmé nos années d’enfance. Les trois mois de vacances d’été que nous accordait généreusement le gouvernement de Guy Mollet étaient centrés sur ce petit coin de paradis qui coulait tranquillement au bout du champ, en face de la Coudère.

Nous avons passé des heures chaque jour, matin et après-midi, à nous baigner dans cette rivière un peu verdâtre, avec nos cousins Desprez de la Carrière et du Tertre, au milieu des grenouilles et des poissons-chats.

Quand nos jeunes voisins du château de l’Isle Briand étaient là, ils nous rejoignaient au milieu de l’Oudon, venant de la rive gauche, nous de la droite. Leur grand-mère, la comtesse de Trédern, se terrait dans son château et ma grand-mère Marguerite Meulle m’avait avec complicité appris à faire le baise-main, de façon à ce que je sois agréé par la châtelaine quand je venais, adolescent, tourner autour de sa petite-fille Isabelle.

Mon grand-père Georges Meulle avait parfois failli inconsciemment gâcher ces innocents flirts en s’énervant contre les oies de la ferme de l’Isle-Briand qui traversaient l’Oudon et venaient s’ébattre sur les prés de la Coudère. Il prenait alors son fusil de chasse et tirait en l’air pour les chasser, sans trop d’efficacité.

L’Oudon, ce sont aussi les bateaux de la famille.

La barque de mon grand-père sur laquelle on greffait un petit moteur nous descendait jusqu’au Bec d’Oudon, virait à gauche et remontait la Mayenne jusqu’à l’Aubinière. On y allait avec nos cousins de La Carrière et ma mère disait à Tante Hélène : « si on coule, tu en prends 3 et moi aussi », ce qui avait le résultat de me terroriser, ne voyant pas en cas de naufrage comment nous pourrions nous agripper avec efficacité à ces deux mères de famille nombreuse.

Le canoë des Desprez du Tertre était entreposé à l’Aubinière où nos cousins de l’intérieur des terres venaient parfois se baigner et profiter comme nous de cette modeste base nautique aujourd’hui disparue. J’admirais ce beau canoë fin que je qualifiais de « bateau d’indiens ».
Il y eu aussi les bateaux de mon oncle Jean-Paul Meulle, sa prame en bois verni que je trouvais si maniable à la godille et puis son magnifique Zodiac pour lequel il dépensa une fortune en essence à faire faire du ski nautique à tous ses neveux et cousins, au grand dam des pêcheurs aigris étalés le long du chemin de halage.


Enfin, il y avait ce magnifique canoë tout en bois que mon grand-père me confiait. Ce n’était pas un canoë comme les autres, il avait la particularité d’avoir une double dérive latérale amovible et une voile triangulaire latine. Je me souviens des dizaines de fois où je remontais à la voile jusqu’au Lion d’Angers ou descendait l’Oudon puis la Mayenne jusqu’au barrage de Grez-Neuville. Après la disparition de mes grands parents, mon cousin Antoine Desprez a gardé et entretenu ce canoë. A chaque fois que nous nous voyons, je lui dis « c’est le canoë de mon grand-père », il me répond « c’est le canoë de mon oncle ». Nous avons tous les deux raison.

Jean-Francois MONTIN

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